La dénonciation de fait de harcèlement et obligation de prévention

La Cour de cassation, dans un arrêt de confirmation du 5 janvier 2022 (Soc. 5 janvier 2022 n° 20-14.927) a rappelé que « l’obligation de prévention du harcèlement moral est une obligation distincte de l’obligation de réparation du préjudice subi par une victime de harcèlement moral ».

En l’espèce, la Cour d’appel avait « débouté le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de prévention des agissements de harcèlement moral et, subsidiairement, manquement à l’obligation de sécurité, l’arrêt retient que le salarié ne se trouvait pas dans une situation de harcèlement moral et qu’il ne pouvait dès lors venir réclamer une quelconque indemnisation à son ancien employeurpour un prétendu manquement à son obligation de prévention du harcèlement moral. » Autrement dit, dès lors que le harcèlement moral manquait de preuve et n’était pas reconnu, la Cour d’appel a estimé que le salarié ne pouvait prétendre à une indemnisation pour un manquement à l’obligation de prévention.

La Cour de cassation a rappelé qu’il s’agissait de deux obligations distinctes : « que cette obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituéepar l’article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle ; qu’en déboutant le salarié de sa demande de dommages-intérêts motifs pris que le salarié n’a pas été victime de harcèlement moral, la cour d’appel a violé les articles L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail dans leur version applicable aux faits. »

L’employeur a donc deux obligations :

  • La réparation du préjudice subi par la victime d’un harcèlement moral. Fondement légal :
    • Article L1152-1 : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral […] »
  • La prévention du harcèlement moral au titre de son obligation de sécurité. Fondement légal :
    • Article L4121-1 : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels […] »

  • Article L4121-2 : L’employeur met en œuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral […] »

  • Article L1152-4 : L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

La Cour de cassation avait posé ce principe selon lequel « l’obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l’article L.4121-1 du code du travail, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l’article L.1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle » dans 7 arrêts de principe du 6 décembre 2017 (n°16-10.885 ; 16-10.886 ; 16-10.887 ; 16-10.888 ; 16-10.889 ; 16-10.890 ; 16-10.891).

Dans ces cas d’espèce, une décision de relaxe définitive était intervenue concernant un salarié à qui il était reproché un harcèlement moral. Il y avait donc une absence d’élément constitutif de harcèlement moral. Cependant, la Cour de cassation a validé le raisonnement de la Cour d’appel « qui a relevé qu’il ressortait notamment de divers procès-verbaux d’audition et d’un rapport de l’inspection du travail que de très nombreux salariés de l’entreprise avaient été confrontés à des situations de souffrance au travail et à une grave dégradation de leurs conditions de travail induites par un mode de management par la peur ayant entraîné une vague de démissions notamment de la part des salariés les plus anciens, a caractérisé un manquement de l’employeur à son obligation de prévention des risques professionnels à l’égard de l’ensemble des salariés de l’entreprise.»

Ce raisonnement a été confirmé par la suite par un arrêt du 27 novembre 2019 (n° 18-10.551 B) dans lequel la Cour de cassation confirmait que dès lors qu’une dénonciation de faits de harcèlement moral a existé, quand bien même les faits de harcèlement moral ne sont pas par la suite confirmés, l’employeur qui ne diligente pas une enquête manque à son obligation de prévention :

« Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, l’arrêt retient qu’aucun agissement répété de harcèlement moral n’étant établi, il ne peut être reproché à l’employeur de ne pas avoir diligenté une enquête et par là-même d’avoir manqué à son obligation de sécurité ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »

Ce dernier arrêt du janvier 2022 va dans ce sens et confirme l’importance de dénoncer un harcèlement moral et ce également dans les cas compliqués où l’employeur peut sembler être l’auteur de ce harcèlement. Même en cas de manque de preuve d’un éventuel harcèlement, une obligation s’ouvre à l’employeur de mener une enquête de prévention. L’absence de diligence d’un employeur peut en soit ouvrir des droits à réparation.

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